Nuance entre « Bain » et « Immersion » par Hélène Phelipon, experte de terrain en sociolinguistique

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Née à Angoulême et titulaire d’un Master dans le domaine linguistique, culturel et ingénierie de la formation, Hélène Phelipon est formatrice et coach de français langue étrangère (FLE), d’anglais et de français professionnel à Paris depuis bientôt 20 ans pour des sociétés internationales, écoles d’ingénieurs ou programmes d’universités américaines.

Elle a débuté sa carrière en tant que professeur de français et coordinatrice pédagogique à l’Université d’Illinois aux États-Unis. Ainsi elle attache une importance toute particulière à la culture et aux subtilités interculturelles dans l’enseignement d’une langue étrangère. Freelance depuis 11 ans, elle a créé sa propre structure de formation Live French ou Vivre le français. 

Hélène Phelipon a accepté de répondre aux questions de Be-Rise concernant son approche pédagogique des langues, et son projet à travers Live French.

Be-Rise : Bain et immersion sont deux situations d’exposition à la langue cible, qu’est-ce qui les distingue ?

Hélène Phelipon : Les cours en immersion – réalisés dans le pays cible – sont à différencier du véritable bain linguistique. Dans le premier cas l’immersion est artificielle : un cadre reconnaissable, horaires de début et de fin de cours, acteurs en mission pour enseigner la langue en séquences pédagogiques. Le bain quant à lui est une situation plus spontanée d’exposition à la langue cible, exigeant des sollicitations verbales en situation authentique dans cette même langue, vécue alors comme naturelle.

Pourriez-vous nous expliquer votre approche pédagogique des langues ?

Hélène Phelipon : Pour beaucoup d’apprenants, se mettre ou se remettre à l’apprentissage d’une langue n’est jamais vraiment synonyme de partie de plaisir. Or, c’est justement sur ce dernier mot qu’il s’agit de se pencher et où le bain linguistique va faire toute la différence et les faire gagner en efficacité.

Les blocages ou le manque de motivation dans l’apprentissage d’une langue sont bien souvent liés à un mauvais souvenir voire à un échec d’apprentissage réalisé en amont lorsque nous étions en situation scolaire traditionnelle, dans un cadre fermé et un environnement restreint : la salle de classe. Le côté affectif avec le professeur de l’époque est aussi un élément à prendre en considération.

Dans le cas de blocages importants la première étape sera psychologique ; le premier rôle du formateur/coach sera alors de dédramatiser et de « casser » cette approche traditionnelle et hiérarchique du professeur/étudiant et d’instaurer un climat de confiance d’égal à égal. Ce sera également le rôle du coach de valoriser le potentiel de ses apprenants en cernant le profil de ces derniers. La deuxième étape sera de transformer l’apprentissage en plaisir pour de meilleurs résultats et c’est là où le bain linguistique lors de l’apprentissage d’une langue est primordial.

Quelle est donc la différence de résultats en termes d’acquisition de compétences linguistiques ?

Hélène Phelipon : Lors de cours en immersion, on étudie la langue et son fonctionnement. La langue est objet de savoir. Cela peut se faire idéalement dans un des pays dans lequel la langue cible est parlée ; nous faisons communiquer les apprenants entre eux ou avec nous mais le contexte même de l’apprentissage est relativement figé. L’activité pédagogique reste cadrée. On travaille davantage ses compétences linguistiques et on reste plus ou moins dans sa zone de confort sans réelle sensation concrète d’atteinte des objectifs car on ne peut pas s’évaluer en situation réelle.

Or, si le savoir n’est pas activé et mis en pratique en situations authentiques ; en d’autres termes si les compétences acquises – ce que je sais – ne sont pas transformées en performance – ce que je peux faire en situation réelle avec ce que je sais et le résultat concret qui en découle (négociation gagnée, projet finalisé, collaboration réussie etc.) ; l’apprentissage restera passif et il y a peu de chances que sans entraînement à ce passage ou transfert de ces compétences au réel en situations authentiques, l’apprenant gagne en efficacité rapidement.

Le bain linguistique va donc insister davantage sur l’action et la performance  – ce que recherchent les entreprises aujourd’hui to benefit their business ; et la seule et unique façon de gagner en performance rapidement est alors de pratiquer et activer toutes ces connaissances de manière active et dans le réel, c’est-à-dire de les transposer vers des situations authentiques à travers des activités ludiques qui suscitent la notion à la fois de plaisir mais aussi de challenge gratifiant car focalisé sur le succès du résultat (cours de cuisine  – j’ai réussi mon plat ; atelier dégustation de vins – je sais maintenant reconnaître un Bordeaux d’un Bourgogne etc.). Il est donc important d’apprendre dans une atmosphère détendue à travers des activités sociales ; ce qui mène nécessairement à des résultats plus rapides mais aussi plus solides. De plus, les choses étant apprises en contexte, le processus de mémorisation est bien meilleur.

La mécanique et la nature abstraite d’un nouveau langage est souvent difficile parce que nous « pensons » trop et ne « ressentons » pas suffisamment les choses. Si la mécanique est importante pour les bases, il est bon de s’en détacher et de faire VIVRE la langue par un autre canal. Un canal qui passe par le bain dans la culture, de manière très sociale et interactive. C’est indéniablement la manière la plus efficace d’apprendre une langue. Elle vous aide à « ouvrir » votre potentiel par le biais de l’expérience voire du cœur plutôt que par des aspects mécaniques/abstraits et de répétition. Le canal de l’émotion, du plaisir, va donc faire toute la différence dans le bain linguistique.

Comment tirer un maximum de profit du bain linguistique dans l’apprentissage d’une langue ?

Hélène Phelipon : Le projet culturel dans l’apprentissage d’une langue dans un contexte de bain linguistique est une stratégie très efficace et relativement facile à mettre en place. A réaliser avec l’aide de professionnels locaux par exemple, il s’agit d’enquêter sur un sujet culturel de son choix et d’aller faire des entretiens sur le thème choisi. La culture devient le support et le vecteur du travail linguistique. Une fois les entretiens passés avec des experts pour récolter les informations requises et la recherche documentaire si besoin, l’objectif est de réaliser une présentation « Powerpoint » finale devant une petite audience. Ce type de projet est un challenge qui les oblige à sortir de leur zone de confort tout au long du processus ; ils doivent s’adapter à différents types de situations linguistiques (formelles, informelles, professionnelles etc.) avec le registre de langue correspondant et s’exposer tel un acteur devant ses spectateurs. Stressant ? Un peu oui. Mais très bénéfique pour la suite – tout ceci toujours dans une atmosphère agréable et positive pour activer leur potentiel, leur envie et les motiver au maximum. Une fois la présentation terminée, c’est la satisfaction du devoir accompli, sa réussite et les progrès réalisés et évidents que l’apprenant peut observer par lui-même après seulement quelques jours. La notion de résultat gratifiant directement lié à la notion de plaisir est essentielle pour un apprentissage serein et pérenne.

Le bain linguistique transforme donc la langue (objet de savoir) en véritable medium/moyen pour communiquer, socialiser de manière beaucoup plus naturelle et spontanée ; mais aussi pour acquérir encore davantage ce savoir. Tout l’environnement, qu’il soit social, culturel, linguistique devient source d’apprentissage et suscite la curiosité. Cercle vicieux bénéfique ! L’apprenant est beaucoup plus engagé dans son apprentissage ; il en est le maître et en devient l’acteur principal. Le bain transforme l’apprentissage en expérience linguistique, culturelle, sociale et humaine.

De plus, quoi de plus bénéfique que le bain pour transmettre les codes culturels en même temps que la langue. L’occasion de décoder l’implicite culturel en contexte réel et d’apporter un éclairage permettant sa compréhension et l’acquisition de ces nouveaux codes. On touche ici au domaine de la sociolinguistique, toujours intimement lié à la question de la didactique des langues.

En conclusion, l’objectif du bain linguistique est significativement plus bénéfique à l’acquisition d’une langue par rapport au cours en immersion car il fait davantage travailler la performance et l’expérience en contexte réel et par conséquent la confiance en soi pour l’avenir. A noter qu’il est possible de réaliser un parcours de formation mêlant cours en immersion et bain linguistique afin d’allier compétence et performance.

Faire l’expérience de la culture en situations réelles dans les formations en langue augmente considérablement votre capacité d’apprentissage et votre performance ! Il ne s’agit plus seulement d’apprendre une langue ou de la parler mais bien de la VIVRE. D’où le choix du nom de ma structure Live French ou Vivre le français !

Live well, Live French ! 


https://www.live-french.com/fr/expedition-medicale-au-coeur-du-cerveau-bilingue/
A lire sur le site www.live-french.com, une interview du Dr Franck Scola,
médecin des expatriés et Président du comité scientifique de Be-Rise.

1 Comment

  1. Elvin Servellon dit :

    Magnifique! Une nouvelle perspective sur l’apprentissage d’une langue qui doit être adoptée par davantage de plates-formes d’apprentissage linguistique.

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